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21 juillet 2009 2 21 /07 /juillet /2009 14:35

Lors de la rencontre avec les spectateurs qui a suivi la création du Mot « progrès »…au Théâtre de Bligny, l’usage des masques dans le spectacle a suscité de nombreuses réactions. Je profite donc du blog de la compagnie pour jeter sur le papier quelques réflexions à ce sujet.

 

Le masque ne provient ici ni d’une suggestion de l’auteur, ni d’une volonté du metteur en scène d’explorer de type de jeu – nos masques ne font d’ailleurs référence à aucune tradition en particulier. Le masque ne s’est pas imposé directement, mais à la suite de réflexions provoquées elles-mêmes pas la fréquentation du texte en répétitions.

 

La première était que dans cette pièce, les morts ont finalement moins de problèmes que les vivants (l’intrigue est centrée sur la recherche du corps du fils mort par ses propres parents). Pour les morts, fini les soucis. Les vivants, au contraire, doivent faire face aux nombreux problèmes de la vie qui continue : la recherche des cadavres, le deuil, la reconstruction, le couple, l’âge… Il fallait donc trouver un moyen fort pour souligner ce déséquilibre. Dans ce sens, masquer les personnages qui avaient perdu un proche (la mère, le père et Mirka) pouvait avoir un sens.

 

Le second point est plus important encore : je ne pense pas qu’il soit bon de demander à des comédiens de faire un travail naturaliste sur la souffrance que peuvent éprouver un homme et une femme qui recherchent le cadavre de leur fils exécuté. Je ne pense pas, tout d’abord, que les artistes de ma génération comme ceux qui composent Paradoxe(s) puissent avoir une idée concrète de cette souffrance. Et je ne pense pas, ensuite, que les artistes doivent nécessairement s’infliger, par un travail sur leurs propres émotions, les souffrances éprouvées par les personnages qu’ils interprètent. Je pense au contraire que l’art du comédien est de se faire autre que soi-même en utilisant tous les outils mis à sa disposition par le théâtre.

 

J’ai donc imaginé qu’on pouvait demander aux interprètes des trois rôles masqués de construire tous les signes de l’état de souffrance extrême de ces personnages. Le masque n’est donc ici que le signe le plus visible d’une approche plus vaste du comédien, auquel j’ai demandé de se contruire entièrement autre que lui-même (age, corps, voix, visage…). Il s’agit d’une approche qui va donc de l’extérieur, du signe, vers l’intérieur, l’émotion.

 

Dans ce sens, je me suis vite aperçu qu’il valait mieux partir d’une page blanche, c'est-à-dire distribuer dans les rôles masqués trois artistes qui aient le moins de points communs possibles avec les rôles qui devraient interpréter, quitte à aller jusqu’à inverser les sexes pour deux d’entre eux. C’est pourquoi la mère est jouée par Laurent Labruyère, le père par Paméla Ravassard, et Mirka par Cécile Greinhofer.

 

Paradoxalement, c’est l’état de fragilité dans lequel se mettent ainsi les comédiens, du fait des contraintes de jeu auxquelles ils font face (costume qui les métamorphose, important travail de contrefaçon du corps, masque, modification de la voix par le truchement de micros dans les masques mêmes…), qui les transforme, pour le public, en puissants vecteur d’émotion.

Henri Dalem, metteur en scène

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